Levée des sanctions européennes contre la Syrie: on fait le point

C’est officiel : le 27 mai 2025, le Conseil de l’Union Européenne a adopté la décision 2025/1096, permettant la levée des mesures restrictives sectorielles qui visaient la Syrie depuis près de 15 ans.

Pour recontextualiser cette décision et faire un état des lieux de la situation, nous vous proposons de repartir du point de départ… en 2011.

En quoi consistaient les sanctions de l'UE ?

L'Union européenne a progressivement mis en place un régime de sanctions étendu contre la Syrie à partir de mai 2011, en réponse à la répression brutale exercée par le régime de Bachar al-Assad contre la population civile. Le principal objectif de ces sanctions était d’affaiblir économiquement, militairement et politiquement le régime en place.

Comme souvent pour les régimes de sanctions de grande ampleur visant un pays, les mesures européennes étaient de deux types :

Des sanctions économiques sectorielles, qui visent certains secteurs dans leur ensemble :

  • Embargo pétrolier : une interdiction d'importer du pétrole brut syrien, qui représentait une source majeure de revenus pour le régime;

  • Restrictions sur les investissements : interdiction de nouveaux investissements dans les secteur pétrolier et gazier syriens, ainsi que des restrictions sur les prêts;

  • Restrictions sur les biens et technologies : interdiction d'exporter vers la Syrie des biens et technologies à double usage (civils et militaires) ou pouvant être utilisés à des fins répressives. Cela incluait également des équipements de surveillance et de télécommunications;

  • Restrictions financières : interdiction de nouveaux prêts de la part des états membres de l'UE et des institutions européennes au gouvernement syrien, interdiction d'acheter de nouvelles obligations émises par le gouvernement syrien, les entreprises d'État syriennes et les banques syriennes;

  • Commerce d'antiquités : depuis 2015, interdiction de tout commerce d'antiquités syriennes retirées du pays depuis le 15 mars 2011, visant à tarir une source de financement pour les groupes armés.

Les mesures restrictives individuelles ciblant des membres du régime, fauts fonctionnaires, commandants militaires, hommes d’affaires et entités considérés comme responsables ou liées à la répression, soit environ 70 entités et 289 individus, faisant l’objet de:

  • Gel des avoirs : les fonds et ressources économiques détenus par les établissements européens étaient gelés;

  • Interdictions de voyager : les personnes désignées étaient interdites d'entrée ou de passage sur le territoire de l'UE.

Outre ces deux types de sanctions, l’UE avait également adopté un embargo sur les armes, impliquant une interdiction stricte de la vente, la fourniture, le transfert et l'exportation d'armes et de matériel connexe de l'Union vers la Syrie.

15 ans plus tard : la chute de Bachar al-Assad

La décision européenne de suspendre, puis lever la majorité de ses sanctions économiques contre la Syrie a rapidement suivi la chute du régime al-Assad, en décembre 2024. Dès février 2025, le Conseil décide de suspendre un certain nombre de mesures qui visaient jusqu’à alors les activités énergétiques nationales, les transports te le secteur bancaire.

Le 27 mai, le règlement 2025/1098 est venu lever la quasi-totalité des mesures sectorielles imposées à la Syrie, pour une entrée en vigueur le 29 mai suivant. L’objectif est multiple : soutenir la reconstruction du pays, marqué par des années de conflit, mais aussi favoriser la transition politique et enfin permettre un meilleur accès de la population à l’aide humanitaire. Des radiations de mesures de gel ont ainsi été prononcées à l’égard de plusieurs individus et sociétés établis en Syrie.

Des décisions similaires ont par ailleurs été adoptées par les Etats-Unis et le Royaume-Uni.

Les mesures toujours en vigueur

Malgré cette levée significative des sanctions économiques, il est crucial de noter que toutes les sanctions n'ont pas été abrogées. Certaines mesures restrictives demeurent en place : le règlement 36/2012, fortement amendé, est cependant toujours en vigueur :

  • Des mesures restrictives ciblées sur certains individus et entités : le gel des avoirs et les interdictions de voyager sont maintenus pour les individus et entités qui restent liés à l'ancien régime ou qui sont impliqués dans des violations graves des droits de l'homme. L'UE continue de cibler spécifiquement ceux qui sont responsables de la répression ou qui ont bénéficié de manière illicite du conflit.

  • Des sanctions fondées sur des motifs de sécurité : certaines mesures restrictives qui relèvent directement de la sécurité et de la non-prolifération restent en vigueur, notamment des restrictions visant les équipements militaires, les biens à double usage, mais aussi les biens culturels syriens.

  • De nouvelles sanctions pour violations des droits de l'homme : en parallèle des levées des sanctions, l’UE a adopté de nouvelles mesures l’encontre d’individus accusés d’être liées à de nouveaux groupes armés en Syrie, notamment au sein du règlement 2025/1111.

Plus largement, l'Union a clairement indiqué qu'elle continuerait à surveiller de près l'évolution de la situation en Syrie et qu'elle se tenait prête à réintroduire ou à ajuster des mesures restrictives si les circonstances l'exigeaient, notamment en cas de nouvelles violations des droits de l'homme ou de menaces à la stabilité.

 

Pour toutes les entités et établissements européens soumis aux obligations de mise en œuvre des mesures de sanctions, il convient donc d’être particulièrement vigilent quant aux filtrage de ces différentes listes.

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