LCB-FT: Monaco listée par l’Union Européenne? On fait le point
La semaine dernière a été agitée pour Monaco sur le plan de la sécurité financière : selon des indiscrétions, la principauté devrait en effet prochainement être listée par l’Union Européenne comme état à haut risque de blanchiment et de financement du terrorisme. Une information qui n’a pas encore été concrétisée, mais qui a d’ores et déjà fait beaucoup réagir, y compris au sein du gouvernement monégasque.
Point de situation après une semaine où l’on a vu plusieurs informations contradictoires circuler.
De quelle liste s’agit-il ?
Retour à la case départ : le 4 juin dernier, le journal d’investigation La Lettre publie un article faisant état de la décision de la Commission Européenne de placer Monaco sur sa liste des juridictions présentant des carences dans leurs régimes de LCB-FT. Cette information, reprise par Les Echos, parle alors de «liste noire» pour désigner la liste européenne. Il s’agit cependant d’un abus de langage : l’Union Européenne ne dispose pas de liste noire, mais d’une liste unique, à l’inverse du GAFI, qui tient à jour une «liste grise» pour les pays soumis à une surveillance renforcée et une «liste noire» pour ceux visés par un appel à action. Or, Monaco a bien été inscrite sur liste grise par le GAFI en octobre 2024. Cette confusion terminologique a beaucoup fait réagir, notamment le ministre monégasque de l’économie, Pierre-André Chiappori, qui a fortement réfuté les termes utilisés et indiqué que la décision européenne était quasi-automatique après la décision du GAFI. Les Echos ont depuis corrigé leur titre.
La mise sur liste de l’UE est-elle automatique après un listing du GAFI ?
S’il est effectivement courant que l’Union Européenne reflète, en miroir, la mise sur liste par le GAFI par l’inscription sur sa propre liste, la décision n’est pas nécessairement automatique, contrairement à ce qui a pu être indiqué par les autorités monégasques. La méthodologie et les critères utilisés pour ces deux listes ne sont pas les mêmes, et certains pays ont pu être listés par le GAFI sans pour autant apparaître sur la liste de l’UE : c’est par exemple le cas de la Turquie, placée sur liste grise du GAFI entre octobre 2023 et juin 2024, mais jamais citée par l’Union.
Monaco est-elle listée par l’UE aux côtés de l’Iran, de l’Afghanistan et de la Corée du Nord ?
Parmi les informations reprises dans les médias généralistes (par exemple dans cet article du Figaro), l’idée que la principauté apparaîtrait «aux côtés» de l’Afghanistan, de l’Iran ou encore de la Corée du Nord. Monaco serait-elle comparée à ces juridictions peu recommandables ? Oui et non. Si la liste de l’UE ne distingue pas de liste grise et de liste noire, elle comprend elle-même plusieurs annexes, permettant de différencier certaines situations. Monaco devrait apparaître sur la liste des «pays tiers à haut risque qui ont pris un engagement politique de remédier aux carences constatées et qui ont élaboré un plan d’action avec le GAFI», aux côtés de l’Afghanistan, certes, mais aussi d’une vingtaine de pays.
Les pays tiers à haut risque qui ont pris un engagement politique écrit à haut niveau de remédier aux carences constatées et qui ont élaboré un plan d'action avec le GAFI, liste de l’UE en vigueur au 10/06/2025
L’annexe II de la liste désigne les pays à haut risque ayant «demandé une assistance technique pour la mise en œuvre du plan d'action du GAFI», et ne comprend que l’Iran, tandis que l’annexe III désigne les pays à haut risque «qui présentent des risques continus et substantiels de blanchiment de capitaux et de financement du terrorisme, ayant omis, à plusieurs reprises, de remédier aux carences constatées», soit la Corée du Nord uniquement.
Le fait d’être listé par l’UE témoigne-t-il de défaillances nouvelles en matière de LCB-FT ?
C’est la position du gouvernement monégasque : la mise sur liste par l’UE serait essentiellement méthodologique, et ne signifierait pas que la principauté ne s’est pas améliorée depuis la décision du GAFI, ni à fortiori que de nouvelles défaillances auraient été identifiées. Sur ce point, nous savons simplement que la méthodologie adoptée par la Commission pour lister les pays à haut risque de BC-FT se base d’abord sur les listes du GAFI, puis intègre un certain nombre d’éléments d’évaluation, en considérant une dizaine de critères. Difficile donc de savoir ce qui a pesé dans le choix de lister Monaco.
Une mise sous liste… parmi d’autres
Quels que soient les motifs ayant conduit la Commission à considérer la mise sur liste de Monaco, cette décision ne sera de toute façon pas isolée, puisque la mise à jour de la liste de l’UE devrait inclure d’autres ajouts – dont l’Algérie et la Côte d’Ivoire – et des retraits – parmi lesquels pourraient figurer les Emirats Arabes Unis. Une décision discutable, qui devrait faire davantage réagir que la situation monégasque : dans ses conclusions, la commission d’enquête sur le narcotrafic, dont la loi vient d’être adoptée par l’Assemblée Nationale, incitait les autorités françaises à plaider pour un maintien sur liste des Emirats, alors que Dubaï était qualifiée de «paradis du blanchiment»…