Projet de loi contre les fraudes fiscales et sociales: la synthèse

Le gouvernement a récemment déposé au Sénat un projet de loi relatif à la lutte contre les fraudes sociales et fiscales, à l’initiative des ministères du Travail, de la Santé et de l’Action et des Comptes publics. Ce projet de loi fait suite à d’autres lois visant à lutter contre la fraude sociale et fiscale, telles que la loi du 13 juin 2025 visant à «sortir la France du piège du narcotrafic» et celle du 30 juin 2025 «contre toutes les fraudes aux aides publiques». Il s’inscrit plus largement dans le plan de lutte contre toutes les fraudes, initié il y a un peu plus de deux ans.

L’exposé des motifs du projet de loi indique que « les fraudes aux finances publiques constituent une atteinte directe au pacte républicain » et qu’elles « compromettent la trajectoire de désendettement de la Nation ». Le projet de loi est structuré autour de trois objectifs clés : « mieux détecter », « mieux sanctionner » et « mieux recouvrer » l’argent public détourné.

Un projet au périmètre complet

Le gouvernement a retenu une approche interministérielle et décloisonnée : il est ainsi recherché une communication accrue entre les administrations fiscales, la Sécurité sociale, les collectivités territoriales ainsi que les acteurs de la lutte contre le blanchiment de capitaux.

La première partie du projet de loi, «améliorer la détection de la fraude fiscale et sociale», présente la mise en commun et l’exploitation des informations nécessaires à la lutte contre la fraude ainsi que le renforcement des moyens d’enquête et de contrôle.

On y retrouve plusieurs mesures liées au pilotage de la lutte contre la fraude : favoriser la communication des informations fiscales et douanières (article 1er), faciliter la mise à jour du registre national des entreprises (RNE – article 3), imposer aux régimes de sécurité sociale de concevoir et de mettre en place un programme de contrôle et de lutte contre la fraude (article 4), encadrer le  traitement des données des organismes complémentaires d’assurance-maladie, avec une incitation à davantage échanger ces données précitées avec l’assurance maladie (article 5). L’article 9 prévoit encore une extension des possibilités de transmission des pièces de procédures pénales à l’Autorité des Marchés Financiers, jusqu’alors limitées au parquet national financier (PNF).

La deuxième partie du texte porte sur l’adaptation des leviers de lutte aux nouvelles formes de fraudes et le renforcement des sanctions. Il y est exposé la volonté de tarir les sources de revenus occultes ou illicites et de renforcer les sanctions administratives et pénales.

L’article 15 notamment prévoit de soumettre aux obligations de lutte contre le blanchiment des capitaux et le financement du terrorisme les personnes commerçant des biens dans les secteurs de l’horlogerie, de la bijouterie et de la joaillerie. L’article 20 présente une obligation déclarative à la charge des administrateurs de trusts lors de paiement de droits de mutation par décès.

La troisième et dernière partie du projet s’intéresse enfin à la manière de garantir un meilleur recouvrement des montants soustraits par fraude. Citons l’article 25 qui prévoit la possibilité, pour le directeur général de la Caisse des dépôts et consignations, de recouvrer, en cas de manœuvres frauduleuses, des sommes indûment mobilisées par le titulaire d’un compte personnel de formation, tandis que l’article 27 vise à permettre à France Travail d’émettre des saisies administratives et de retenir la totalité des versements à venir d’allocations d’assurance-chômage en cas de manœuvres frauduleuses.

Pas d’obstacle du Conseil d’Etat, les syndicats partagés

Dans son avis sur ce projet de loi, publié le 15 octobre 2025, le Conseil d’État indique, à propos du renforcement des échanges d’informations entre administrations dans le cadre de la lutte contre la fraude fiscale, que cette disposition apporte une nouvelle dérogation au régime du secret fiscal mais que cela constitue une conciliation équilibrée entre les nécessités de la lutte contre la fraude et la préservation du secret fiscal (point 8 de l’avis). Le Conseil d’Etat est également favorable à la transmission d’informations couvertes par le secret de l’instruction à l’AMF (point 12).

Les syndicats sont moins unanimes : ceux des finances publiques ont indiqué que les administrations (DGFip, Douanes et URSSAF) communiquaient déjà entre elles et dénoncé un manque de moyens (humains et techniques) alloués à ces administrations et organismes. Ils rappellent également que plus de la moitié du montant estimé de la fraude sociale (environ 13 milliards d’euros par an) provient essentiellement des entreprises et du travail non déclaré. Enfin, ils appellent à concentrer les efforts en priorité sur la fraude fiscale, notamment dans le contexte de la récente affaire dite CumCum.

Le texte du projet de loi est disponible sur le site du Sénat. La loi pourrait être adoptée dans le courant de l’année 2026.

Et la fraude fiscale internationale?

En parallèle du projet de loi, le ministère de l’Action et des Comptes publics a annoncé, via communiqué, des résultats en hausse s’agissant de la lutte contre la fraude fiscale internationale. L’année 2024, marquée par un contexte «d’internationalisation des schémas d’évasion et de fraude fiscales» a fait l’objet de davantage de contrôles et de saisies. Les contrôles fiscaux sur des montages internationaux d’entreprises, qu’ils se portent sur l’impôt sur les sociétés (IS) ou sur la taxe sur la valeur ajoutée (TVA), ont rapporté 5,2 milliards d’euros et ont connu une augmentation de 23 %. Les prix de transfert entre groupes multinationaux (transferts indirects de bénéfices vers des entités étrangères du même groupe) représentent 64 % de ces redressements fiscaux.

Le communiqué précise notamment que ces résultats en hausse ont bénéficié d’une coopération renforcée avec les autres États.

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