Obligations de LCB-FT: une réception contrastée par la clientèle du secteur financier

Dans quelle mesure les obligations de LCB-FT sont-elles comprises par les clients des institutions financières ? C’est pour répondre à cette question que le ministre de l’économie a mandaté, en juillet 2024, le Comité Consultatif du Secteur Financier (CCSF), instance rattachée à la Banque de France et composée de représentants des établissements privés et de personnalités qualifiées.

Le Comité a publié, ce 6 mai 2025, un rapport intitulé « LCB-FT: quelle réception des obligations règlementaires par les clientèles des institutions financières », qui apporte des éclairages inédits sur la perception des obligations de LCB-FT, notamment s’agissant des demandes relatives à la connaissance de la clientèle.

Ce rapport – qui repose sur des entretiens conduits avec des représentants du secteur financier, des régulateurs et autorités de contrôle, mais aussi sur une enquête réalisée sur un panel de clients – souligne le caractère perfectible de la connaissance et de la compréhension de ces sujets. Et ce alors même que le sujet est d’importance : il est ainsi souligné d’emblée, et à juste titre, que « La disponibilité des informations ainsi que leur qualité étant largement dépendante de la bonne volonté des clientèles, la compréhension et l’acceptation des obligations règlementaires de LCB/FT par ces dernières est cruciale pour assurer l’efficacité du dispositif préventif ». Il propose également 16 recommandations, réparties en cinq axes, pour améliorer la situation.

Obligations KYC et de vigilance : « des effets irritants » pour les clients… et donc des informations de moins bonne qualité

Passons sur la première partie du rapport, qui rappelle le contexte des obligations de LCB-FT et ses grands principes. La seconde partie est d’ores et déjà plus explicite : « la sollicitation des clients dans le cadre de la mise en œuvre de la règlementation LCB-FT est à l’origine d’incompréhensions et d’insatisfactions, voire de difficultés, néanmoins complexes à quantifier et aux causes diverses ».

Pour le CCSF, il ressort en effet de ses entretiens et de l’enquête que les clients ont globalement une faible compréhension de la LCB-FT : 63% du panel interrogé indique ne pas du tout connaître ce sujet et les obligations qui en découlent. Conséquence directe : 39% des sondés estiment que les questions relatives aux obligations de KYC paraissent intrusives ou inappropriées.

Extrait du rapport du CCSF, page 25, issue d’une enquête réalisée par Planète CSCA

Si les réclamations des clients en lien avec ces demandes paraissent limitées, l’absence d’indicateurs permettant d’évaluer l’insatisfaction consécutive à ces sollicitations rend le sujet difficile à mesurer. Côté personnes morales, le rapport fait toutefois part d’incompréhensions remontées par les représentants de certaines professions, notamment dans le cadre de la justification des opérations. Sont aussi soulignées les frustrations liées à l’absence de cohérence entre les pratiques, conduisant à la fourniture de la même information sur des supports différents, à des demandes parfois mal comprises ou des décisions jugées injustifiées par les clients.

Côté établissements assujettis, le rapport souligne des difficultés dans l’exercice des mesures de vigilance liées à la règlementation LCB-FT s’agissant des clients associations, notamment dans la collecte des éléments KYC. Un sujet qui n’est pas nouveau, et dont les conséquences peuvent être lourdes pour l’accès des associations aux services financiers.

Un mot enfin sur les PPE : l’enquête relève les contraintes soulevées aussi bien pour les assujettis que pour les clients PPE. Les établissements évoquent des difficultés à identifier les membres des familles des PPE, tandis que les clients remontent des incohérences dans les demandes qui ont peuvent leur être formulées, voire des blocages de leurs moyens de paiement et des délais rallongés pour obtenir des financements, sans justification apparente.

Communication, pédagogie… et pourquoi pas la création d’une plateforme KYC partagée ?

Pour renforcer l’acceptabilité des obligations de LCB-FT tout en en garantissant sa bonne application, le CCSF liste plusieurs pistes, au travers de 16 recommandations. Dont un fil rouge : améliorer la communication, aussi bien au niveau institutionnel que de la part des établissements assujettis. Un sujet d’autant plus important avec la perspective des nouvelles obligations issues du dernier paquet européen, qui doit être mis en application d’ici 2027.

Le Comité propose cinq axes de travail :

  • Assurer un meilleur suivi des difficultés dans la mise en œuvre des obligations de LCB-FT : en particulier au travers d’un suivi spécifique des réclamations liées à ces sujets.

  • Simplifier le recueil et l’actualisation des données KYC, notamment en envisageant la création d’une plateforme sécurisée permettant la mutualisation d’informations – une proposition justement formulée par notre association en mars dernier à la commission d’enquête sénatoriale portant sur la délinquance financière.

  • Favoriser la communication et la formation : aussi bien au niveau étatique, en intégrant les notions de LCB-FT à la stratégie nationale d’éducation financière, qu’au niveau des collaborateurs des assujettis directement.

  • Clarifier les attentes auprès des assujettis : notamment concernant l’identification des PPE dirigeants d’entreprises publiques.

  • Anticiper les effets du développement de l’identifié numérique sur les diligences.

 

Ce rapport du CCSF constitue en tout état de cause une publication bienvenue qui permet de mettre en relation les exigences règlementaires avec leurs impacts éventuels sur les relations avec la clientèle. Les propositions du Comité sont tout à fait pertinentes, et la démarche vient plus globalement souligner l’importance de l’enjeu de la sensibilisation du grand public aux thématiques de sécurité financière. Une démarche dans laquelle nous nous engageons nous-même, au travers de ce média, depuis bientôt cinq ans.

Le rapport et le communiqué du CCSF sont disponibles depuis le site internet de la Banque de France.


Qu’est-ce que le CCSF ?

Le Comité Consultatif du Secteur Financier (CCSF), est un organisme public rattaché à la Banque de France, où siègent des représentants des établissements financiers, des clients, des syndicats et des pouvoirs publics. Son rôle est de suivre les sujets transversaux aux professionnels du secteur financier et à leurs clientèles, et de formuler des avis et des recommandations.

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