Europol dresse son bilan de la menace terroriste en Europe
L’Agence européenne de coopération policière Europol vient de publier un nouveau rapport consacré à l’état de la menace terroriste en Europe (en anglais). Un document riche en chiffres, assez dense mais finalement plutôt pédagogique, qui permet de quantifier le phénomène en 2024, de revenir plus en détail sur certaines formes de terrorismes, mais aussi d’alerter sur les menaces émergentes.
On y apprend notamment que le risque djihadiste est à nouveau en hausse, tandis que la polarisation idéologique accrue de ces dernières années conduit à de nouvelles menaces, comme l’essor de l’activisme anarchiste. Pour les professionnels de la sécurité et de la LCB-FT, ces dynamiques posent des défis croissants : circuits de financement dissimulés, radicalisation numérique, coordination transnationale.
La menace djihadiste toujours très présente, d’autres courants moins dangereux mais en augmentation
Le rapport d’Europol, sobrement intitulé « TE-SAT » pour « TErrorism Situation And Trend », couvre les événements de l’année 2024 à partir des données fournies par les États membres et partenaires, et dresse quelques prévisionnelles pour 2025.
Côté chiffres, l’agence distingue les attaques réussies, échouées et déjouées, tout en classant les menaces selon cinq grandes idéologies : djihadisme, extrême droite, extrême gauche/anarchisme, séparatisme/nationalisme, et autres attaques. En 2024, Europol recense 58 attaques au sein de l’Union, dont 34 ont abouti, causant cinq morts et 20 blessés. Ces attaques et tentatives ont surtout eu lieu en Italie (20 attaques recensées), en France (14) en Allemagne (6) et en Autriche (3). Le nombre d’attaques et tentatives est cependant en baisse par rapport à 2023 (Europol en avait compté 120), mais demeure bien au-delà des chiffres de 2022 (28). Ces attaques et tentatives ont donné lieu à 449 arrestations, un chiffre en nette augmentation par rapport aux années précédentes.
Le Djihadisme demeure la menace la plus importante et la plus dangereuse : les cinq morts liés au terrorisme en Europe en 2024 sont tous liés au terrorisme islamique. Près de la moitié des actions terroristes relèvent du djihadisme, majoritairement perpétré par des personnes seules.
21 attaques sont attribuées à des courants politiques d’extrême gauche et/ou anarchistes, essentiellement en Italie. Ce même pays a également identifié une attaque liée à l’extrême droite. Les incendies criminels sont le principal mode opératoire des attaques liées à une idéologie politique.
Attaques terroristes (abouties, échouées, déjouées) et arrestations par type d’action terrorise en Europe, 2022-2024, TE-SAT Report, Europol, 2025, page 16
Du financement traditionnel à la propagande via l’IA générative
Passé cet état des lieux général, Europol propose de s’arrêter sur certaines menaces : le terrorisme djihadisme, le terrorisme d’extrême gauche et le terrorisme séparatiste (ce dernier étant essentiellement lié au Kurdistan en Turquie). L’occasion de décortiquer le profil des auteurs, les modes de recrutement et de mobilisation… mais aussi le financement des actions violentes. Pour le terrorisme islamique, les collectes au profit de l’Etat Islamique sont toujours relativement nombreuses : plusieurs flux ont été envoyés à des familles de terroristes détenues dans des camps au Nord-Est de la Syrie. Ces fonds reposent surtout sur des sources légales de revenus, mais aussi sur des collectes en ligne détournées. Les transferts de fonds incluent les virements de petites sommes, l’hawala et l’usage de cryptoactifs.
Reste l’émergence de nouvelles menaces, en particulier à la faveur des réseaux sociaux : Europol souligne que le nombre de mineurs et de personnes très jeunes impliqués dans des actions terroristes est en forte augmentation – près d’un tiers des suspects arrêtés a moins de 21 ans. L’Europe peine encore à enrayer les mécanismes de propagande et de recrutement en ligne, qui profitent d’algorithmes favorisant la polarisation des opinions. Le terrorisme n’a évidemment pas ignoré le développement de l’IA générative : Europol alerte sur la multiplication du recours à ces outils pour diffuser des idéologies violentes. De fait, les menaces sont plus fragmentées et plus digitalisées que jamais.
Le rapport TE-SAT se limite à une dimension descriptive. Il n’en demeure pas moins une source d’information très utile. D’abord pour les professionnels du monde policier et judiciaire évidemment, mais aussi, plus largement, pour les professionnels de la LCB-FT : il convient d’adapter les mesures de vigilance sur certains signaux faibles, sur les zones les plus à risque, sur les modalités d’exécution de certaines opérations.
Pour en savoir davantage sur le financement du terrorisme, vous pouvez également consulter le dossier que nous avons consacré à ce sujet en 2023.