L’ACPR publie une nouvelle version de l’Analyse Sectorielle des Risques de BC-FT

L’ACPR a publié courant juin sa nouvelle Analyse Sectorielle des Risques (ASR) de BC-FT, faisant suite à l’Analyse Nationale des Risques (ANR), publiée par le COLB, plus tôt dans l’année. Il s’agit de la seconde occurrence de l’ASR, après une première version publiée en 2019.

L’ASR est un document très utile, soulignant de manière détaillée les différents facteurs de risque auxquels sont exposés les acteurs supervisés par l’ACPR. Elle constitue une source d’information importante pour l’actualisation des différents référentiels de risque utilisés par les assujettis. Elle complète par ailleurs les autres analyses des risques, dont – outre l’ANR – l’évaluation supranationale des risques de BC-FT, publiée par la Commission Européenne en octobre.

L’ASR : un document complémentaire de l’ANR

L’ASR se concentre sur les risques auxquels sont exposés les organismes et secteurs relevant de la compétence de l’ACPR. Elle se distingue ainsi de l’ANR qui revêt un caractère plus large en couvrant l’ensemble du secteur économique français.

L’ASR a également vocation à constituer un document plus opérationnel pour les établissements financiers : d’une part parce qu’elle constitue une base de travail pour les travaux du régulateur, ce qui permet aux assujettis d’anticiper ses demandes, et d’autre part parce qu’elle doit conduire à la révision des évaluations et cartographies des risques réalisées par le secteur. Le rapport précise d’ailleurs dès son introduction qu’il convient d’intégrer l’ASR « dans les procédures et dispositifs de contrôle interne ».

Le rapport, assez dense, est structuré autour de six chapitres : après une partie présentant la méthodologie de l’analyse des risques, le document s’intéresse aux risques transversaux applicables à tous les secteurs (chapitre 2), puis aux risques spécifiques portés par le secteur bancaire (chapitre 3, le plus gros morceau), les risques associés aux autres prestataires, dont ceux portés par les actifs numériques (chapitre 4), les risques associés aux activités d’assurance (chapitre 5)  et enfin les risques associés à l’intermédiation financière (chapitre 6).

Une notation individuelle pour chaque entité

Que retenir de ce document? Déjà un exercice de transparence étonnant de la part de l’ACPR, habituellement plutôt avare en détail sur la conduite de ses travaux. On peut ainsi lire que l’autorité évalue les risques inhérents et les dispositifs de ses assujettis en leur attribuant une note (entre 1 et 4). Cette évaluation s’appuie notamment sur un questionnaire annuel, ainsi que sur d’autres travaux communiqués par les établissements ou conduits directement par les agents de l’ACPR. Une méthodologie déjà esquissée par le rapport d’évaluation du GAFI publié l’an dernier, mais cette fois complétée par des chiffres précis (voir ci-dessous). Jusqu’à l’an dernier, les PSAN n’entraient pas encore dans cette campagne d’évaluation, mais auraient commencé à être notés au cours de l’année 2022.

Ces notations individuelles ne sont pas communiquées par le rapport (et en tout état de cause pas non plus communiquées aux établissement concernés), mais des ordres de grandeur par secteur sont donnés.

Comparaison de niveau de risque par activité identifié par l’ANR 2023 et de la moyenne des notes attribuées par l’ACPR - ASR - ACPR, 2023 - Page 14

Le risque associé aux actifs numériques rehaussé

Outre ces précisions méthodologiques inattendues, le rapport rappelle les principales menaces criminelles à l’origine du blanchiment, déjà identifiées par l’ANR : les fraudes fiscales, sociales et douanières, les trafics de stupéfiants, et les escroqueries et vols. Mais l’ACPR mentionne également l’attention croissante portée au risque de prolifération (qui peut concerner certaines entreprisse exportatrices de matériel et technologies sensibles), à la corruption et à la criminalité environnementale (notamment le trafic de déchets). Surtout, le rapport revient en détail sur les risques associés aux produits économiques favorisant l’anonymat : les espèces, bien sûr, mais aussi la monnaie électronique anonyme, les métaux précieux et les actifs numériques.

Les chapitres dédiés aux risques portés par les secteurs bancaires et les organismes d’assurance sont assez complets mais apportent peu d’informations nouvelles : ces secteurs sont largement structurés et leur exposition est bien connue. Leur niveau de risque global est évalué par l’ACPR comme « modéré », un score inchangé depuis la version de l’ASR de 2019. Les principales pratiques à risque dans les secteurs financiers traditionnels demeurent les activités de gestion de fortune, la transmission de fonds et les services de paiement, rejoints par les crédits à la consommation et les activités de correspondance bancaire, même limitées à l’espace économique européen (voir ci-après le tableau récapitulatif des cotations).

L’intermédiation en financement participatif, qui intègre les plateformes de prêts et de dons (notamment les cagnottes en ligne, le « crowdfunding »), a récemment vu son environnement règlementaire évoluer. Les risques portés par ces activités demeurent importants, tant leur usage peut être détourné à des fins d’escroqueries, de fraude fiscale, de dissimulation d’opérations ou de financement de projets terroristes.

Enfin, cette version de l’ASR formalise un changement d’importance, puisque les risques associés aux actifs numériques sont désormais jugés comme étant très élevés. Ce n’est pas une surprise puisqu’il s’agit d’une mise en cohérence avec l’ANR, qui avait également relevé le niveau de risque correspondant, mais cela souligne la volonté du régulateur d’accroître le contrôle de ces produits et des prestataires associés. Le secteur, mieux connu et plus accessible qu’il y a quatre ans, est exposé à un risque important du fait des caractéristiques des actifs numériques, qui permettent des échanges opaques, rapides, transnationaux et constituent un environnement favorable à la cybercriminalité.

Niveau de risque net par secteur - ASR - ACPR, 2023 - Page 113

L’ASR 2023 constitue donc un document très complet mais assez synthétique au travers de sa forme de fiche thématique par secteur et type d’activités. Sa dimension large et transversale mais qui demeure opérationnelle en fait une source pratique pour aider les supervisés à construire ou actualiser leur classification des risques. Pour rappel, la classification des risques doit être adaptée aux spécificités de chaque établissement et de ses activités. L’établissement assujetti peut adopter une appréciation des risques différentes de celle de l’ASR, auquel cas il convient de le justifier.

 

Le document complet est disponible en téléchargement en suivant ce lien.

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