Sanction inédite de l’AMF contre un conseiller en investissements financiers
Par une décision du 5 novembre 2025, la Commission des sanctions de l’Autorité des marchés financiers (AMF) a décidé de sanctionner le conseiller en investissements financiers (CIF) Carat GP et ses deux dirigeants. Carat GP a reçu une sanction pécuniaire d’un montant de 300.000 euros, à laquelle s’ajoute une interdiction définitive d’exercer la profession de CIF.
Les deux dirigeants sont respectivement sanctionnés de 200.000 et deux millions d’euros ainsi que d’une interdiction d’exercer la profession de CIF pendant 10 ans pour l’un et d’une interdiction définitive pour l’autre.
Les faits reprochés à Carat GP et ses dirigeants
Dans la décision, la Commission des sanctions a relevé que les manquements ont eu lieu sur une période de cinq ans. Ces manquements concernaient plusieurs thématiques, du cadre procédural à l’absence d’outil d’archivage, en passant par des problèmes de gouvernance des produits, la gestion des conflits d’intérêts ou encore le traitement des réclamations. Mais la décision identifie également des manquements s’agissant du dispositif de lutte contre le blanchiment et le financement du terrorisme.
Il était par ailleurs reproché à l’un des dirigeants « de ne pas avoir agi d’une manière honnête, loyale et professionnelle » et à l’autre « de ne pas avoir [notamment] apporté son concours avec diligence et loyauté à la mission de contrôle » de l’AMF. Il est notamment évoqué des informations erronées sciemment communiquées par l’établissement à la mission. Evidemment, il n’est jamais recommandé de ne pas collaborer avec l’autorité de contrôle…
Les griefs retenus en matière de LCB-FT
Carat GP s’est vu notifier trois griefs liés à la LCB-FT. Le premier est relatif à l’absence de mise en place d’une procédure LCB-FT (pt. 87), le deuxième à l’absence d’une cartographie des risques de BC-FT (pt.88) et le troisième à la non-collecte systématique de justificatifs relatifs à l’origine des fonds investis ainsi que des documents d’identité et de domicile de ses clients (manquements aux obligations de connaissance et d’identification des clients ou « Know Your Customer – KYC », pt. 89). Des griefs déjà soulignés dans des décisions de sanctions prononcées par l’AMF récemment.
Comme le rappellent le code monétaire et financier (articles L561-4-1 et L.561-32 CMF) ainsi que l’examen du grief dans la décision de l’AMF (pts. 108 et 109), le CIF est normalement tenu de «définir et [de] mettre en place des dispositifs internes d’identification et d’évaluation des risques de BC-FT», permettant de définir le profil de la relation d’affaires (KYC). La classification des risques, en fonction de la nature des produits et/ou des services offerts, doit faire l’objet d’une mise à jour régulière.
La Commission des sanctions conclut que Carat GP «ne démontre pas qu’elle disposait d’une procédure LCB-FT» avant la mission de contrôle de l’AMF (pt.113). Subséquemment, la Commission des sanctions ajoute que le CIF n’a pas mis en œuvre «de manière opérationnelle» sa procédure LCB-FT avant chaque nouvelle opération avec un client (pts. 114 à 116). Enfin, Carat GP n’a pas collecté de justificatifs (d’identité, de domicile et sur l’origine des fonds) portant sur sept clients, sur les onze avec qui il était entré en relation d’affaires.
Les dirigeants du CIF ont été sanctionnés à titre personnel, au titre de leur obligation «d’agir de manière honnête, loyale et professionnelle» (pts. 253 à 255). Le premier avait obtenu le versement de fonds provenant de clients sur ses comptes personnels, quand le second «[a méconnu] son obligation d’agir de manière honnête, loyale et professionnelle en servant au mieux les intérêts des clients» (pt. 255). Ces agissements expliquent la sévérité des sanctions contre l’établissement et contre ses dirigeants.
La décision de la Commission des sanctions de l’AMF est susceptible de recours devant le Conseil d’État. La sanction complète est disponible sur le site internet de l’AMF.