Infraction à la LCB-FT: Delubac sanctionnée de 600.000 euros par l’ACPR
La Commission des Sanctions (CdS) de l’ACPR vient de publier une sanction à l’encontre de la banque Delubac et Cie, assortie d’un blâme et d’une sanction pécuniaire de 600.000 euros. Il s’agit de la deuxième décision de sanction publiée en 2025, la première pour infraction aux obligations de LCB-FT.
La décision, datée du 19 juin 2025 mais publiée le 26 juin, fait suite à un contrôle sur place réalisé par les équipes de l’ACPR entre février et juin 2023.
En préambule - et en conclusion - le rapport de décision de la CdS précise quelques éléments de contexte intéressants, permettant de mieux appréhender la décision :
Banque familiale indépendante, Delubac & Cie s’est longtemps spécialisée dans le financement d’entreprises en difficulté (banque judiciaire). Depuis 2021, elle a opéré un virage stratégique : développement commercial, ouverture de bureaux, expansion dans la correspondance bancaire et les flux internationaux, y compris vers des juridictions à risque élevé ;
Cette montée en puissance ne s’est cependant pas accompagnée d’un dispositif LCB-FT à la hauteur. Déjà mise en demeure en 2017, la banque a fait l’objet d’un nouveau contrôle en 2023, révélant des carences graves, persistantes, et parfois déjà signalées...
Enfin, la Commission précise avoir tenu compte de l’ampleur des actions correctives engagées en matière de sécurité financière, depuis 2020, qui ont représenté environ 3 millions d’euros pour l’établissement, dont 800.000 euros consacrés au seul renforcement des outils dédiés à la LCB-FT.
La CdS a retenu neuf griefs, couvrant plusieurs éléments clés du dispositif de LCB-FT, dont les septs premiers sont directement liés à la surveillance des transactions, à l’ensemble du processus de traitement des alertes ainsi qu’aux diligences associées.
Dans le détail :
Le premier grief souligne le caractère inapproprié du dispositif de surveillance des opérations, qui reposait principalement sur un outil de surveillance ne prenant pas en compte un certain nombre d’éléments, dont les revenus et le patrimoine des clients ;
Le deuxième grief reproche à la banque plusieurs décisions de mettre fin à des relations d’affaires pour motif LCB-FT sans avoir conduit d’examen renforcé ni procédé à des déclarations de soupçon (DS), mais aussi un délai de traitement des alertes particulièrement élevé ;
Le grief n°3 porte sur l’incapacité de l’établissement de détecter des personnes situées dans un pays listés par le GAFI, et présentant donc un risque de BC-FT potentiellement plus élevé ;
Le quatrième grief porte sur les différences d’application de mesures de vigilance renforcée à l’égard de clients PPE ou ayant fait l’objet d’une DS ;
Le grief suivant déplore l’absence de finalisation de plusieurs dizaines d’examens renforcés initiés depuis une longue période, ainsi que l’identification par la mission de sept défauts d’examen renforcé ;
Le grief n°6 sanctionne le non-respect d’obligations déclaratives pour 30 cas identifiés par la mission de contrôle ;
Complémentaire à ce dernier grief, le septième grief reproche à l’établissement l’envoi tardif de plusieurs DS, dont 10 ont été transmises plus de 180 jours après l’opération ;
Le huitième grief sanctionne le dispositif de contrôle interne jugé insuffisant: la mission a en effet relevé une absence de plan de contrôle formalisé pour la majorité des métiers, des procédures ne permettant pas d'identifier correctement les incidents, et s’appuie sur le fait que ces constats avaient été précédemment relevés par l'inspection en 2019 ;
Le neuvième et dernier grief relève enfin des failles importantes dans le cadre procédural relatif au dispositif de gel des avoirs.
Si aucun de ces griefs n’apparait inédit dans sa couverture ou son interprétation, la décision couvre néanmoins un éventail assez large de défaillances du dispositif de LCB-FT - à l’exception cependant des obligations de connaissance de la clientèle. Elle souligne en outre que le fait de se développer vers de nouvelles activités, qui plus est impliquant des juridictions sensibles ou des segments à risque, ne peut se faire au détriment de la LCB-FT.
La décision est accessible publiquement sur le site de l’ACPR.