Europol publie un rapport alarmant sur la criminalité financière en Europe

L’agence Europol vient de publier un premier rapport d’évaluation de la criminalité financière en Europe : un document analytique assez complet, avec une vision très transversale et des constats accablants.

Le rapport évoque les caractéristiques, les acteurs, les modes opératoires et les impacts des principaux réseaux de crimes économiques et financiers actifs au sein de l’UE, qui impliquent le blanchiment de capitaux, la fraude et la corruption – trois notions se nourrissant l’une l’autre.

Blanchiment et corruption omniprésents

Le rapport s’appuie sur une vaste analyse des données issues des enquêtes liées à ces trois thématiques et collectées par Europol ces dernières années, ainsi que sur des questionnaires adressés à différents services de police, des douanes, des administrations fiscales et des services de renseignement financiers des États membres.

Le bilan dressé dans le rapport est assez sévère. On peut en retenir quelques conclusions clés :

  • Près de 70% des réseaux criminels opérant au sein de l’UE utilisent le blanchiment pour financer leurs activités ou cacher leurs actifs ;

  • Plus de 60% d’entre eux ont recours à des mécanismes de corruption ;

  • 80% de ces réseaux utilisent des structures commerciales légales à des fins criminelles ;

  • Le milieu criminel implique des acteurs situés en dehors de l’UE ;

  • Les techniques et outils utilisés par les criminels évoluent rapidement et exploitent de manière croissante les nouvelles technologies.

Bien sûr, l’existence de réseaux de criminalité financière organisée en Europe est connue de longue date des autorités et des services répressifs, mais le rapport d’Europol souligne à quel point les mécanismes de blanchiment et de corruption constituent des moteurs de la criminalité, notamment les trafics de stupéfiants, les escroqueries et la fraude fiscale.

Parmi les nouvelles formes de services financiers impliquées dans les schémas de blanchiment, le rapport cite le recours à la finance décentralisée, l’utilisation d’IBAN virtuels, les services de paiement différés, et tous les outils permettant de favoriser l’anonymat, dont les cryptoactifs et les messageries cryptées. Rien de nouveau sur le papier, si ce n’est qu’il est confirmé que ces usages se sont massivement accrus depuis la pandémie de Covid-19.

Surtout, Europol souligne l’augmentation alarmante du recours à la corruption – impliquant aussi bien le secteur public que des acteurs privés – dans les mécanismes du crime organisé : « Grâce à la corruption, le crime organisé peut contrôler des administrations locales, régionales voire nationales, des entreprises, et des centres logistiques et de transports, afin d’organiser ses opérations ». Les versements de pots de vin auraient significativement augmenté ces dernières années, des pratiques par ailleurs parfois combinées « à des intimidations, des menaces, et du chantage ». 

La saisie des actifs: une pratique encore trop peu répandue

Le rapport n’a pas vocation à proposer des solutions ou des recommandations, mais s’arrête toutefois sur une piste intéressante pour lutter contre le blanchiment : la saisie des avoirs criminels. Cette pratique constituerait « un fort facteur dissuasif et une outil efficace pour lutter contre le crime organisé ». Europol regrette que des statistiques harmonisées et consolidées n’existent pas au niveau européen, mais encourage l’accroissement du recours aux pratiques de saisie. Les montants d’actifs confisqués – du cash essentiellement -  auraient déjà doublés entre 2014 et 2020, mais demeureraient toujours inférieurs à 2% des profits générés par le crime organisé.

 

Le rapport (en anglais) est accessible en suivant ce lien.

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